Gouvernance mondiale

De Coredem
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La question de la gouvernance mondiale se pose dans le contexte de ce que l'on appelle "la mondialisation". Face à l'accélération des interdépendances - à l'échelle mondiale - entre les sociétés humaines mais aussi entre l'humanité et la biosphère , la gouvernance mondiale définit la construction de régulations à la même échelle.


Sommaire

Origine du Terme

Généalogie

La chute de l’Union soviétique en 1991 a marqué la fin d’une très longue période de l’histoire internationale, celle dite de l’ « équilibre ». Depuis cet événement historique, la planète est en phase de rupture géostratégique. Le modèle de la « sécurité nationale », par exemple, bien que toujours en vigueur pour la plupart des gouvernements, laisse place progressivement à une conscience collective émergente qui dépasse ce cadre étriqué[1].

Jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, la question de la gouvernance mondiale n’était pas posée. Le terme utilisé était celui d’interdépendance pour définir la gestion des relations entre Etats. Dans le contexte de l’après-guerre froide, une nouvelle vision apparaît au cours de la décennie, à partir d’un ensemble d’interrogations :

  • Montée du thème de la mondialisation et de l’affaiblissement consécutif des Etats-nations, qui débouche logiquement sur une perspective de transfert vers le niveau mondial d’instruments de régulation qui ont perdu de leur efficacité au niveau national ou régional.
  • Intensification des préoccupations relatives à l’environnement global, qui reçoivent une sanction multilatérale à l’occasion du sommet de la Terre de Rio (1992). Les questions du climat et de la biodiversité, qui sont mises en avant à cette occasion, sont symboliques d’une approche nouvelle, qui trouvera bientôt son expression conceptuelle avec l’expression de biens publics mondiaux.
  • Apparition de conflits de normes (commerce et environnement, commerce et droits sociaux, commerce et santé publique) qui, prolongeant les débats classiques sur les effets sociaux des politiques de stabilisation macro-économique, soulèvent la question de l’arbitrage entre des objectifs également légitimes dans un système de gouvernance sectorielle où les grands domaines d’interdépendance sont chacun confié à une institution internationale spécialisée. Souvent limités, ces conflits sont cependant de grande portée symbolique, puisqu’ils posent la question des principes et des institutions d’arbitrage.
  • Contestation croissante, enfin, des normes et des institutions internationales, de la part de pays en développement qui, ayant fait l’effort de s’intégrer dans l’économie mondiale, acceptent mal de voir les pays industriels conserver le pouvoir et privilégier leurs propres intérêts, et de la part d’une société civile pour laquelle le système de gouvernance internationale est devenu le vrai lieu du pouvoir, et qui s’insurge tout à la fois contre ses principes et ses procédures. Si ces deux critiques sont souvent opposées dans leurs présupposés et leurs objectifs, elles peuvent se rejoindre pour contester l’emprise des pays développés et des grandes institutions, comme l’a symboliquement montré l’échec de la conférence ministérielle de l’OMC à Seattle (1999).

Plus d'information : Andreani, Gilles; Gouvernance globale : origines d'une idée ; « Politique étrangère », nº 3, 2001, pp. 549-568

Definition

Dans une définition simple et large de la gouvernance mondiale on utilise ce terme pour désigner l'ensemble de règles d'organisation des sociétés humaines à l'échelle de la planète [2].


Cadre de la gouvernance mondiale

Dans quel contexte parle-t-on de gouvernance mondiale?

Pour certains l’avenir de l’architecture mondiale passe par la mise en place d’un système de gouvernance mondiale. Or, aujourd’hui l’équation se complique sensiblement: alors qu’auparavant, il s’agissait essentiellement de réguler et de limiter le pouvoir individuel des États pour éviter les déséquilibres et la rupture du statu quo, l'enjeu de la gouvernance mondiale est maintenant de peser collectivement sur le destin du monde en instaurant un système de régulation de ces nombreuses interactions qui dépassent l’action des États. A contrario, l’homogénéisation politique de la planète, grâce à l’avènement de la démocratie dite libérale, qui se conjugue sous de multiples formes, semblerait faciliter la mise en place d’un système de gouvernance mondiale qui dépasse le laissez-faire du marché et la paix démocratique élaborée au départ par Emmanuel Kant, et qui constitue une sorte de laissez-faire géopolitique.

Pourquoi parler de gouvernance mondiale?

  • A cause de l’hétérogénéité des préférences collectives, en dépit d’une mondialisation souvent vue comme un processus implacable d’homogénéisation. Américains et Européens en fournissent une illustration : il n’y a guère convergence entre eux en ce qui concerne le partage entre sphère publique et sphère privée, la tolérance aux inégalités et la demande de redistribution, l’attitude face au risque, ou la conception des droits de propriété. Dans certains cas, même, la mondialisation agit comme facteur d’accentuation des différences, plutôt que comme force d’homogénéisation.
  • Suite à une montée des problèmes globaux. Elle est illustrée par les alarmes sur l’environnement planétaire, mais ne s’y réduit pas. Elle déplace les priorités de l’intégration de la gestion des relations bilatérales vers l’organisation de l’action collective. En résulte un nouveau modèle de représentation et de gestion de l’interdépendance, qui tend à s’appliquer à un nombre croissant de domaines.
  • Enfin le dernier fait saillant est l’émergence d’éléments de conscience civique planétaire, dont la contestation de la mondialisation est une composante. Un nombre rapidement croissant de mouvements et d’organisations porte le débat au niveau international ou mondial. Malgré ses limites, cette tendance est, à l’évidence, une réponse logique à la montée des questions de gouvernance mondiale. Il n’est au total possible ni de se représenter l’économie mondiale comme une entité en voie d’homogénéisation rapide, ni de s’en tenir à une représentation traditionnelle calquant, dans l’ordre économique, les principes du Traité de Westphalie. Il faut raisonner sur deux dimensions : celle de l’intégration (moins complète qu’on ne le croit) ; et celle de la solidarité née d’un destin commun.

Crise de la gouvernance mondiale ?

Pierre Jacquet, Jean Pisani-Ferry et Laurence Tubiana, [3] affirment que « Pour que le choix de l’intégration internationale soit durable, il faut que les populations en perçoivent les bénéfices, que les États s’entendent sur ses finalités, et que les institutions qui la gouvernent soient perçues comme légitimes. Ces trois conditions ne sont que partiellement remplies. »

Ces auteurs parlent d'une « crise des finalités » et d'un « déséquilibre » et incomplétude des institutions internationales. Ainsi, en ce qui concerne ces dernières, « un décalage s’est creusé entre la nature des problèmes à traiter et l’architecture institutionnelle : celle-ci ne reflète pas la hiérarchie des problèmes d’aujourd’hui. Par exemple, l’environnement est devenu un sujet de préoccupation et de négociation central, mais il ne bénéficie pas d’un support institutionnel à la mesure de son importance.»

Les problèmes de la gouvernance mondiale et les principes de la gouvernance

A partir de multiples travaux portant sur différents continents, différentes échelles de gouvernance, et différents domaines de l’action publique, la Fondation Charles Léopold Mayer et ses partenaires, de leur côté, ont extrait cinq principes sur lesquels repose la gouvernance. Les problèmes de la gouvernance mondiale peuvent être analysés à la lumière de ces principes. [4].

Légitimité de l’exercice du pouvoir et enracinement

Ce principe affirme qu' « il faut un assentiment profond des peuples à la manière dont ils sont gouvernés; que ceux qui exercent l’autorité soient jugés dignes de confiance; que les limites imposées aux libertés privées soient aussi réduites que possible et découlent clairement des nécessités du bien commun; que l’organisation de la société soit assise sur un socle éthique reconnu et respecté; » [5].

Des décisions très importantes qui affectent l'économie planétaire se prennent aujourd'hui dans le cadre d'une poignée d'Institutions internationales peu démocratiques et sans une vraie ou complète légitimité, et non plus à l'échelle des institutions représentatives (états ou unités territoriales plus petites dont les gouvernants sont élus directement). En même temps les efforts d'action et de coordination mise en place par ces institutions (et concrètement par le système des Nations Unies) se sont relevés insuffisants pour abolir ou même réduire significativement la pauvreté, les injustices et les inégalités, ou pour mettre en place des actions efficaces pour réduire la dégradation environnementale.

Selon Jan Aart Scholte un cercle vicieux se produit entre développement et légitimité des Institutions internationales et de la gouvernance mondiale. Il affirme que « (la) gouvernance globale reste faible dans son ensemble par rapport aux besoins de politique publique mondiale. Les carences en matière de moralité, de fondements légaux, d’approvisionnement matériel, de reconnaissance démocratique et de dirigeants charismatiques ont creusé un déficit de légitimité dans les régimes existants. » À son tour, « cette légitimité fragile a constitué un obstacle majeur à une croissance substantielle au niveau mondial des régulations nécessaires pour garantir une vie décente pour tous dans un monde globalisé. Les insuffisances et le déficit de légitimité de la gouvernance globale font donc obstacle à un renforcement mutuel. » [6]

Selon Pierre Calame, « les régulations actuelles ne sont pas à la hauteur des interdépendances. (...) toute initiative pour renforcer ces régulations ne rencontrera aucune adhésion populaire si la légitimité de celles qui existent déjà est sujette à caution. Or, c’est le cas: l’ONU est souvent perçue comme une mascarade coûteuse. Sa légitimité démocratique est limitée, coincée entre le droit de veto de quelques grands pays au Conseil de sécurité et l’hypocrisie du principe «un État, une voix» qui fait semblant de mettre sur le même pied le Népal, le Burkina Faso et les États-Unis. Même crise de légitimité pour la Banque mondiale et le FMI, devenus dans la pratique des outils d’action des pays riches sur les pays pauvres. Les règles internationales énoncées par des autorités sans visage, sans mandat clair, sans instance de recours identifiable prolifèrent, minant l’autorité de ces règles et leur effectivité mais discréditant aussi la prétention d’en formuler d’autres à l’avenir, y compris dans les domaines où l’on dénonce la loi de la jungle et la prolifération des injustices. » [7]

D'un côté c'est l'exercice réal, notamment à niveau international, du cadre normatif existante (conventions et lois), ce qui pose problème, comme le montre Rolf Künemann [8]. Bien que d'autres sources affirment que certaines institutions internationales ne respectent pas elles mêmes la Convention des Droits de l'Homme [9]

D'un autre côté, Les efforts de conceptualisation et l'apparition de nouveaux droits font partie d'un processus de développement théorique et normatif de la nouvelle gouvernance mondiale qui commence à se parfiler. C'est le cas, parmi d'autres, du concept de Travail décent élaboré par l'OIT [10] et le Droit à l'eau, largement défendu par la société civile [11]

Enfin, concernant l'élaboration de propositions alternatives, le Forum pour une Charte des responsabilités humaines soutien que le rôle juridique secondaire de la notion de responsabilité pose un problème sérieux dans le cadre du nouveau modèle d'organisation mondial qui doit se baser sur développement durable et non plus sur le productivisme et le croissement agressifs. Dans ce sens, un socle juridique commun doit servir pour fonder la légitimité nécessaire. L'établissement de celui-ci peut se baser sur trois piliers: la charte de l'ONU, la Déclaration universelle des droits de l'homme, et la Charte des responsabilités humaines. Cette dernière serait un document parallèle et complémentaire aux antérieurs, qui contient les responsabilités humaines à l'échelle mondiale, et qui doit être le résultat d'un processus permanent de réécriture participative ouverte à tous les citoyens.

Conformité à l’idéal démocratique et à l’exercice de la citoyenneté

Le second des principes défend l'idée qu' « il faut que chacun se sente partie prenante au destin commun, ce qui exclut par exemple la tyrannie de la majorité; qu’un juste équilibre soit trouvé entre droits, pouvoir et responsabilités; et qu’aucun pouvoir ne puisse s’exercer sans contrôle » [12].

La société civile a bien compris ce besoin et travaille depuis plusieurs années pour faire entendre la voix citoyenne. Selon Via Campesina « Entendre la voix des citoyens c'est la voie la plus sure pour attendre à leurs besoins. Et c'est la satisfaction de ces besoins qui doit être à la base de l'organisation de la gouvernance mondiale. L'exercice de la citoyenneté est en conséquence une condition nécessaire à la création de tout nouveau modèle de gestion de la planète. » [13]

La reforme de la gouvernance mondiale est dans ce sens indissociable d'une reforme générale de l'appareil de l'Etat et du secteur publique, qui, parmi d'autres, placerait la participation citoyenne au milieu du processus de prise de décisions. L'énorme revitalisation de la démocratie participative qui a eu lieu pendant les derniers décennies (Budget participatif, conférences de citoyens, etc. ) comprend aussi des propositions pour faire de la participation citoyenne l'élément central de la structure de prise de décisions des appareils publics. En voici deux exemples : Iniciativa Ciudadana para la Cultura del Diálogo; La participation citoyenne durant le processus de réforme de l'état, et Sire-Marin, Evelyne; Martelli, Roger; La république nouvelle sera démocratique et sociale

Compétence et efficacité

Selon ce troisième principe, « la conception des institutions publiques et privées, leur mode de fonctionnement et ceux qui les font fonctionner doivent faire la preuve de leur pertinence, de leur compétence, de leur capacité à répondre effectivement aux besoins de la société dans sa diversité; » [14]

C'est dans ce sens que, faute d'une forme d'organisation politique de la communauté mondiale qui soit cohérente, responsable, efficient et légitime, la logique marchande domine les relations internationales et donne lieu à une gouvernance mondiale anarchique, irresponsable, inefficient du point de vue de la satisfaction des besoins sociaux, et conséquemment illégitime du point de vue politique.

Selon Pierre Calame et Gustavo Marin, « Le marché est une modalité de l’échange mais nous devons délimiter sa place, ses conditions de légitimité et d’efficacité au même titre que les autres formes de gouvernance. Nous devons faire tout ce qui est nécessaire pour mettre le marché à sa place, pour ne pas permettre que le travail et les personnes soient purement des marchandises. Il est devenu prioritaire maintenant de fonder en droit le champ d’application du marché. Il faut dépasser le réductionnisme d’une vision idéologique de l’économie qui met le marché au centre de tous les échanges. » [15]

Coopération et partenariat

Ce quart principe affirme qu' « il faut que tous puissent concourir au bien commun et que la gouvernance organise les relations et les coopérations entre les différents types d’acteurs, publics et privés, entre les différentes échelles de gouvernance, entre les administrations, selon des procédures établies en commun; » [16]

A l'augmentation des interdépendances dans le monde doit y correspondre une augmentation des interdépendances dans l'organisation des services publiques, notamment la création de formes intelligentes de partenariat des institutions publiques entre elles, des acteurs de la société civile entre eux, et des premières avec les deuxièmes. Jusqu'à présent la plupart des institutions publiques agissaient sans une réelle interpénétration, soit isolées les unes des autres, soit par commandement hiérarchique ce qui veut dire sans utiliser la force de toute leur intelligence collective. Il va falloir donc trouver des régles simples de base pour naviguer dans ce nouveau monde complexe qui reflète la diversité sociale. Dans ce sens, Pierre Calame en a fait une tentative d'élaboration des règles communes aux différents niveaux de gouvernance, dont le principe fondamental est celui de la Subsidiarité active

D'un autre côté, trouver des solutions au grave problème des inégalités doit devenir l'objectif majeur de la construction d'une gouvernance mondiale légitime et donc démocratique. En conséquence, des systèmes forts de solidarité et de redistribution doivent être mis en place. Des propositions de salaire universel a l'échelle d'un seul pays pourraient être appliquées à l'échelle de la planète comme propose parmi d'autres la Basic Income Foundation. Parmi les plusieurs autres propositions de solidarité et de redistribution à l'échelle mondiale il y a le salaire alimentaire universel, le Plan Marshall Global, le Centre mondial d'appel à l'aide, et un plan de retraite globale.

Relations entre le local et le global, entre les échelles de gouvernance

Aujourd'hui on peut poser le problème de l'articulation entre le local et le global, et entre les échelles de gouvernance, dans le cadre de la construction d'une nouvelle gouvernance mondiale, sous trois angles :

  • Celui de l'articulation même des échelles de gouvernance.
  • Celui de la transformation interne de l'état et de l'évolution de son rôle.
  • Celui de la construction de nouvelles modalités de coexistence entre les États et les institutions publiques en général, qui relèvent mieux des articulations réelles entre leurs sociétés.

La mise en place d'une gouvernance mondiale effective, qui ne soit pas un gouvernement mondial homogène, relève le problème de sa coexistence avec les états, lesquels doivent accepter la perte de parcelles importantes de leur souveraineté en profit de l'échelle mondiale mais aussi des autres niveaux. Il s'agit de réussir une réelle articulation des compétences et un fonctionnement interactif entre tous ces niveaux, du local au mondial. Pour cela des règles communes doivent être établies, et pour qu'elles soient vraiment démocratiques les décisions prises au niveau de base doivent devenir la seule matière prime de travail des niveaux supérieurs, lesquels doivent assurer la cohésion de la société jusqu'au niveau mondial.

Certains auteurs ont conceptualisé le nouveau type d'état qui doit faire d'une gouvernance plus large et articulée sur les différentes échelles. Pour Ulrich Beck, qui défend l'idée d' « Etat cosmopolite », « de même que seul un État areligieux permet la pratique de plusieurs religions, un État cosmopolite aura à garantir la coexistence des identités nationales et religieuses grâce au principe de tolérance constitutionnelle ». [17]

Un autre auteur propose l'évolution du monde actuel vers un « système d'états postmodernes » avec les caractéristiques suivantes :

  • la suppression de la distinction entre les affaires domestiques et les affaires étrangères ;
  • l’ingérence mutuelle dans les affaires domestiques (traditionnelles) et la surveillance réciproque ;
  • le refus du recours à la force comme moyen de résolution des conflits et par conséquent la codification de règles de conduite auto-appliquées ;
  • le déclin progressif de la pertinence des frontières en raison du changement du rôle de l’État, mais aussi des missiles, des véhicules motorisées et des satellites ;
  • une sécurité basée sur la transparence, une ouverture réciproque, l’interdépendance et une vulnérabilité réciproque. » [18]

En revanche, il ne s'agit pas de faire en sorte que « l’Etat national soit appelé, dans l’avenir, à ne plus jouer un rôle majeur. Au contraire, il continuera à incarner le destin collectif des peuples, il restera certainement le niveau principal de construction de la cohésion sociale, de délivrance des services publics, de l’exercice du droit et de la justice, de redistribution et de solidarité. Mais un Etat conçu sur d’autres bases comme un niveau, certes essentiel, de la gouvernance, mais un niveau parmi d’autres, articulé aux autres. » [19]

Certains auteurs visent aussi la construction de l'échelle régionale et la reforme du système de Nations Unies. Par exemple, Pierre Calame et Gustavo Marin considèrent que « L'architecture de la gouvernance mondiale ne peut plus se concevoir sans une refondation des Etats nationaux eux-mêmes, sans une redéfinition de leur rôle, de leurs modalités de fonctionnement et de leur articulation avec les autres ordres politiques. » En même temps ils soutiennent qu' « Il est indispensable de soutenir l'émergence d'un niveau régional, intermédiaire entre les Etats et le monde. » De son côté, le Conseil de sécurité « devrait être un directoire constitué de représentants des régions du monde. Chaque pays d'une région en assurerait par rotation, la présidence et, par contre coup, la représentation dans les négociations internationales. » [20]

Enfin, une gouvernance mondiale articulée et démocratique comporte aussi une redéfinition du rôle des territoires et des unités de base pour l'émergence d'un pouvoir citoyen constituant. Dans ce sens il y a des propositions pour une reterritorialisation [21] ou les communautés territoriales sont la brique de base de la gouvernance mondiale, ainsi que des tentatives de construction d'Assemblées citoyennes [22]

Autres problèmes de la gouvernance mondiale

Expansion des appareils normatifs et mondialisation des institutions

Le processus imparable de la mondialisation concerne parmi d'autres la production de plus en plus de règles à l'échelle mondiale. Mais Jan Aart Scholte affirme que ces transformations son insuffisantes par rapport aux besoins, « nous assistons à une expansion sans précédent d’appareils normatifs régissant les juridictions mondiales. Toutefois, cette gouvernance globale reste faible dans son ensemble par rapport aux besoins de politique publique mondiale. Les carences en matière de moralité, de fondements légaux, d’approvisionnement matériel, de reconnaissance démocratique et de dirigeants charismatiques ont creusé un déficit de légitimité dans les régimes existants. » [23]

A un autre niveau, il y a un besoin de formation de plus en plus de réseaux et institutions dans tous les domaines, qui opèrent à l'échelle planétaire. Des propositions et expériences existent au niveau des partis politiques [24]; les syndicats [25]; les administrations régionales [26]; et les parlementaires des États souverains [27].

Besoin de débat sur la formulation et les objectifs de la gouvernance mondiale

Une condition pour la construction d'une gouvernance démocratique planétaire devrait être le développement d'espaces citoyens de dialogue à propos de la formulation légal de l'organisation de la gouvernance mondiale ainsi que de la mise en commun de ses objectifs.

Cette formulation légale pourrait prendre la forme d'une Constitution mondiale. Selon Pierre Calame et Gustavo Marin « Une Constitution mondiale, issue d’un processus instituant d’une communauté mondiale, servira de référence commune à l’établissement d’une hiérarchie des droits et des devoirs applicables aux agences des Nations unies et aux autres institutions multilatérales telles que le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale, l’Organisation Mondiale du Commerce. » [28] En ce qui concerne la formulation des objectifs, la sans aucune doute nécessaire mais en même temps insuffisante ambition des objectifs du millenium des Nations Unies, en tant que programme pour la sauvegarde de l'humanité et de la planète, ainsi que, surtout, les énormes difficultés de leur mise en œuvre, sont un exemple de la faiblesse des initiatives institutionnelles qui n'obtiennent pas de soutien populaire parce que la participation citoyenne a été totalement absente dans son processus d'élaboration.

D'un autre côté, cette constitution mondiale « doit énoncer de manière claire un nombre limité de grands objectifs qui fondent la gouvernance mondiale et orientent l’action commune des agences de l’ONU et des institutions multilatérales, le rôle spécifique de chacune se subordonnant à la poursuite de ces objectifs communs. » [29]

Pierre Calame propose les objectifs suivants :

  • La mise en place des conditions d'un développement durable
  • La réduction des inégalités
  • La instauration d'une paix durable dans le respect de la diversité. » [30]

Reforme des Institutions internationales

L'ONU est-elle capable d'assumer la lourde charge de gérer les gros problèmes de la planète ? Plus précisément, l'ONU est-elle capable de se réformer pour assumer cette charge? A l'heure de la crise financière de 2008 qui fait réfléchir, du même que les désastres climatiques des années antérieurs, à un futur imprévisible qui est fruit d'une gestion humaine désastreuse, est-ce que les Institutions financières internationales peuvent se reformer pour assumer son mandat original d'aide financière aux pays en besoin ?

Le manque de volonté politique et citoyenne à l'échelle internationale est aussi à l'origine de l'actuelle séquestration des Institutions internationales par l'agenda néolibéral, notamment les Institutions financières (Banque Mondiale, FMI), et le GATT (Accord Général sur les Tarifs douaniers et le Commerce), devenu l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)par l'agenda néolibéral. Pierre Calame en retrace l'histoire. [31]. Joseph E. Stiglitz signale de son côté que « le besoin des institutions internationales telles que le FMI, la Banque mondiale et l’OMC n’a jamais été aussi grand, mais la confiance qui leur est accordée n’a jamais été aussi faible. » [32].

L'un des aspects les plus importants de la réforme des Nations Unies c'est le problème de la représentativité dans l'Assemblée Générale. Dans l'Assemblée, qui fonctionne selon le principe « un Etat une voix », des États avec une taille extrêmement inégale ont un poids égal dans le vote, ce qui déforme la représentativité et fait perdre toute crédibilité. En conséquence, « l’Assemblée Générale a perdu toute capacité réelle d’influence. De ce fait, ce sont les instances d’action ou de concertation des pays riches qui occupent le devant de la scène. » [33]

Gustave Massiah prône pour définir et mettre en œuvre une réforme radicale de cette institution. L'auteur propose une refondation qui soit la base d'une démocratie mondiale et pour la construction d'un Contrat social mondial, fondé sur le respect et la garantie des droits, tant civils et politiques, qu’économiques, sociaux et culturels; ainsi que la place stratégique du droit international. [34]

Thèmes de la gouvernance mondiale

Dans un premier temps la portée thématique de la gouvernance mondiale peut contenir des thèmes hérités de la géopolitique ou de la Théorie des relations internationales (e. g. paix, défense, géostrategie, relations diplomatiques, relations commerciales...) mais au fur et à mesure que la mondialisation se renforce et le nombre d'interdépendances augmente, l'échelle mondiale devient protagoniste indispensable pour un nombre plus vaste de sujets. En voici quelques exemples :

Gouvernance environnementale et gestion de la planète

« La crise provoquée par le caractère accéléré et probablement irrévocable de l’impact des activités humaines sur la nature exige des réponses collectives de la part des gouvernements et des citoyens. La nature ignore les barrières politiques et sociales et la dimension mondiale de la crise annule les effets de toute action initiée unilatéralement par un gouvernement étatique ou une institution sectorielle, quelle que soit sa puissance. Le changement climatique, la pollution maritime et atmosphérique, les risques nucléaires et ceux liés à la manipulation génétique, la réduction et l’extinction des ressources et de la biodiversité, et avant tout un modèle de développement qui sur le plan mondial reste largement à l’abri de toute remise en question comptent tous parmi les diverses manifestations de cet impact accéléré et sans doute irrévocable.

Cet impact est le facteur, dans le cadre de la mondialisation, qui remet le plus en question un système d’États qui rivalisent les uns avec les autres à l’exclusion de tous : parmi les différents champs de la gouvernance mondiale, la gestion de l’environnement est celui qui nécessite le plus urgemment des réponses à la crise sous forme d’actions collectives menées par l’ensemble de la communauté humaine. Ces actions devraient aider en même temps à modeler et renforcer la construction progressive de cette communauté. » [35]

Au niveau des propositions, on se demande comment une action collective en matière d'environnement est possible. Un certain nombre d'accords multilatéraux sur l'environnement ont vu le jour depuis trente ans, mais leur mise en œuvre reste difficile. On s'interroge aussi sur la création d'une organisation internationale qui centraliserait ces questions de protection internationale de l'environnement, du type organisation mondiale de l'environnement (OME). Le Programme des Nations-Unis pour l'Environnement pourrait jouer ce rôle mais il est constitué d'une petite structure et d'un mandat peu opérationnel. Deux camps s'opposent sur ces questions: L'Union européenne et surtout la France et l'Allemagne, ainsi que certaines ONG, sont en faveur de la création d'une OME; le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la plupart des pays en développement préfèrent privilégier les initiatives volontaires. [36]

L'Institut International du Développement Durable propose un « programme de réforme » de la gouvernance environnementale mondiale. L'argument principale est qu'il semble exister un consensus non dit mais puissant quant à ce qui devraient être les objectifs primordiaux du système de gouvernance environnementale mondiale. Ces objectifs concernent un leadership de qualité; la connaissance à la base d'une politique environnementale forte; une cohésion et une coordination efficaces; une bonnes gestion des institutions que forment le système de gouvernance environnementale; et enfin la diffusion des préoccupations et actions environnementales dans d'autres arènes de la politique et de l'action internationale. [37]

Gouvernance de l’économie et de la globalisation

Encore une fois de plus, avec la crise financière de 2008, le mythe du marché capable de corriger tout seul les dysfonctions financières graves s'est évaporé, ainsi que l'indépendance présumée de l'économie. Les institutions financières internationales ont été incapables de régler les défaillances décisives du marché, et elles restent des organisations opaques et peu démocratiques.

L'économie de marché est incapable, toute seule, de satisfaire les besoins de la population. Sans régulation et sans assomption des externalités sociales et environnementales, le capitalisme libéral devient une machine folle qui produit de plus en plus de richesse, qui se concentrent en peu de mains, et qui mène la communauté planétaire vers l'explosion et le chaos. Ce n'est pas la capacité productrice du système qui est mise en question mais l'absence de redistribution, fruit d'une formidable et scandaleuse absence de détermination politique et citoyenne pour transformer les règles de jeu.

Cela dit, le débat sur les insuffisances commence à être dévié dans le monde académique vers la recherche de solutions, ce qui est un pas en avant. Ainsi, Tubiana et Severino affirment que « le recentrage doctrinal de la coopération internationale autour du concept de biens publics permet (...) de sortir des impasses des négociations internationales sur le développement, la perception des intérêts communs pouvant relancer une solidarité internationale qui s’essouffle. ». [38]

De son côté, Stiglitz considère que « certains biens publics mondiaux devraient être produits et fournis aux populations, mais ils ne le sont pas, et certaines externalités globales devraient être prises en compte, mais elles ne le sont pas. (...) En revanche, la scène internationale est souvent utilisée pour trouver des solutions à des problèmes qui n’ont aucun rapport et que les acteurs de ces institutions tentent de résoudre à l’abri de l’opacité et du secret, ce qu’ils ne pourraient justement pas faire dans le cadre démocratique national. ». [39]

En ce qui concerne le commerce international, Susan George affirme que « dans un monde rationnel, il serait possible de construire un système commercial au service des populations du Nord et du Sud. Sous un tel système, la dette écrasante des pays du Tiers-monde, et les politiques d’ajustement structurel dévastatrices appliquées par la Banque mondiale et le FMI auraient été impensables, bien que le système n’eût pas aboli le capitalisme. » [40] .

Gouvernance politique et institutionnelle

La construction d’une gouvernance mondiale responsable qui permette d’adapter l’organisation politique de la société à la mondialisation implique la formation d’une légitimité politique démocratique à toutes les échelles territoriales (locale, étatique, régionale, mondiale).

Pour que cette légitimité se produise, il faut repenser et réformer, tout en même temps :

  • la nébuleuse composée des diverses organisations internationales, en grande partie héritées des suites de la seconde guerre mondiale : il faut un système d’organisations internationales ayant plus de ressources et de capacités d’intervention, plus transparentes, plus justes et plus démocratiques ;
  • le système Westphalien, la nature même des États ainsi que le rôle qu’ils jouent par rapport aux autres institutions, et leurs relations entre eux : les États devront partager une partie de leur souveraineté avec des institutions et organismes à d’autres échelles territoriales et en même temps tous devront entreprendre d’importants processus d’approfondissement démocratique et de responsabilisation organisationnelle.
  • la signification de la souveraineté citoyenne dans les différents systèmes de gouvernement et le rôle des citoyens comme protagonistes politiques : il faut repenser le sens de la représentation et la participation politique, et planter la graine d’un changement radical de la conscience qui permettra d’évoluer vers une situation où les citoyens auront, dans la pratique, le rôle principal à toutes les échelles.

La problématique politique de la gouvernance mondiale a été traité plus spécifiquement dans la section Les problèmes de la gouvernance mondiale et les principes de la gouvernance

Gouvernance de la paix, la sécurité et la résolution des conflits

La forme et intensité des conflits armés a évolué depuis de la chute du mur en 1989. Les événements du 11 septembre 2001, les guerres en Afghanistan puis en Irak, les attentats à répétition révèlent, entre autres, que les conflits peuvent devenir meurtriers non seulement pour les belligérants directs, mais pour le monde entier. Les dirigeants bellicistes de quelques grandes puissances, à commencer par la plus importante, les États-Unis, ont fait, et peut être continueront à faire de la guerre le moyen de résoudre les conflits. Mais il est fort probable que les réseaux islamistes intégristes continuent à lancer de nouveaux attentats aux États-Unis, en Europe, en Afrique, en Asie.

En même temps des guerres civiles continuent à se produire notamment dans des régions de non droit telles que l'Afrique Centrale et Orientale et le Moyen Orient. Ces régions et d'autres encore demeurent profondément embourbées dans des crises permanentes, entravées par des régimes autoritaires, et des pans entiers de leur population survivent dans des conditions misérables. Les guerres et les conflits auxquels nous sommes confrontés ont des causes diverses : inégalités économiques, conflits sociaux, sectarismes religieux, disputes territoriales, contrôle des ressources fondamentales telles que l'eau et la terre. Dans tous les cas, elles illustrent une profonde crise de la gouvernance mondiale.

Enfin, le climat belliqueux qui en résulte de ces actions imprègne les relations internationales d'un nationalisme concurrentiel et contribue, autant dans les pays riches que dans les pauvres, a augmenter les budgets militaires et drainer des sommes énormes des fonds publiques vers l'industrie de l'armement et l'innovation scientifique à vocation militaire, contribuant en même temps à augmenter l'insécurité mondiale. Ce sont des sommes colossales dont seulement une partie serait suffisant pour régler d'une fois par toutes, le problème des besoins fondamentaux des populations de la planète et contribuer à diminuer énormément les causes qui portent aux guerres et au terrorisme.

Andrée Michel affirme que « non seulement la course aux armements se poursuit de plus belle, mais que c'est le moyen le plus sûr pour les pays occidentaux de maintenir leur hégémonie sur les pays du Sud. Suite à l'effondrement du bloc de l'Est, s'est mise en place une stratégie de manipulation de la masse par l'invention permanente d'un ennemi (incarné à présent par l'Irak, l'Iran, la Libye, la Syrie et la Corée du Nord) et par l'entretien de la peur et la haine de l'autre pour justifier la pérennisation des Complexes Militaro Industriels (CMI) et les ventes d'armes. » L'auteur rappelle que « les cinq grands de l'ONU qui ont droit de veto sont responsables de 85 % des ventes d'armes de la planète. » [41]

Les propositions pour une gouvernance de la paix, la sécurité et la résolution des conflits se trouvent en premier lieu du côté de la prévention des causes des conflits, que ce soient économiques, sociales, religieuses, politiques, territoriales, etc. Pour cela il faut tout d'abord destiner plus de ressources à l'amélioration des conditions de vie des populations (santé, logement, nourriture, travail...) et à l'éducation, y compris l'éducation dans des valeurs de la paix, la justice sociale et l'unité et la diversité comme deux faces d'une même monnaie qui représente le village global.

Ces ressources pour la paix peuvent être obtenues de la limitation voire la réduction des budgets militaires qui ont augmenté ces dernières années, et ce processus peut être accompagné de plans de désarmement globaux et de reconversion des industries de l'armement qui concernent de forme proportionnelle tous les pays y compris les grandes puissances. Mais malheureusement le tournant belliqueux de la dernière décennie a fait reléguer tout projet de désarmement global, y compris dans les débats de la société civile, à la catégorie d'objectifs à long terme voire à la catégorie de projets utopiques. Ceci est une déroute pour la cause de la paix et pour l'humanité, si bien elle reste loin d'être une déroute définitive.

En ce qui concerne le rôle à jouer par les Institutions internationales dans la résolution des conflits armés, des petites unités internationales de déploiement rapide peuvent intervenir dans la région correspondante avec un mandat exclusif émis par un système de Nations Unies refondé et démocratique, ou par défaut par des autorités régionales compétentes comme l'Union Européenne. Ces unités peuvent être composées "à la carte" pour chaque conflit, à partir des armées de plusieurs pays, tel qu'avait été le cas pour le renforcement de la FINUL lors du Conflit israélo-libanais de 2006. En contrepartie, aucune armée nationale ne serait pas autorisée d'intervenir unilatéralement en dehors de leur territoire sans un mandat Onusien ou régional.

Enfin, une autre question qui mérite de s'y attarder est celle des conditions légitimes de l'usage de la force et de la conduite pendant la guerre. Jean-Réné Bachelet essaie d'y répondre moyennant une conceptualisation de l'éthique militaire qui soit en consonance avec l'exigence du « principe d'humanité ». Ainsi, l'auteur définit ce principe de la façon suivante : « tous les hommes appartiennent à une commune humanité et chacun a un droit au respect de sa vie, de son intégrité, de sa dignité. » [42]

Gouvernance de la science, de l'éducation, de l'information et de la communication

L'absence d'une volonté forte pour construire une gouvernance mondiale dont l'objectif soit la satisfaction des besoins des populations et la justice sociale, a laissé le champ ouvert depuis la moitié des années 1990 à un autre plan, celui de l'agenda de l'OMC pour la libéralisation des biens et les services publics liés à la culture, la science, l'éducation, la santé, le vivant; l'information et la communication. Ce plan a été seulement en partie freiné par le mouvement altermondialiste à partir des événements liés à la rencontre de Seattle en 1999 et à une échelle totalement différente et probablement plus décisive à moyen et long terme, par le formidable essor des pratiques collaboratives sur internet. En revanche, sans un soutien politique ni citoyen largues et sans assez de moyens, la société civile a été incapable pour l'instant de développer et divulguer des plans alternatifs intégraux pour l'ensemble de la société à l'échelle globale, si bien existent assez de propositions et d'expériences, les unes à succès plus forte que les autres, pour construire un monde plus juste, responsable et solidaire, dans chacun des domaines concernés.

Les biens et les services publics concernés entrent dans la catégorie de ceux qui se multiplient en se partageant : la connaissance, l’intelligence, l’expérience. En consequence ces biens doivent être inscrits dans une logique de mutualisation (partage collectif et gratuit) et non plus dans une logique marchande qui est en train de soumettre son développement au seule bénéfice des plus riches et puissants et en conséquence à une logique auto-destructive.

Du côté de la science, « la recherche se plie de plus en plus aux exigences des marchés financiers : marchandisation des savoirs et des connaissances, flexibilisation et précarisation de son personnel, contrats d'objectifs et rentabilité au service des intérêts privés, soumission à la compétitivité et à la concurrence. Les orientations et mutations que la recherche a pris pendant les deux dernières décennies l'éloigne radicalement de ses missions initiales (production de savoirs et de connaissances, préservation d'un cadre d'indépendance) sans pour autant s'interroger sur ses missions actuelles et futures. L'humanité affronte des crises et problèmes en vertu de ou malgré ce progrès: la pauvreté et la faim ne sont toujours pas combattues, les armes nucléaires prolifèrent, les catastrophes environnementales se multiplient, l'injustice sociale augmente, etc.

La marchandisation néolibérale privilégie les intérêts des laboratoires pharmaceutiques à ceux des malades, ceux des firmes agro-alimentaires à ceux des agriculteurs et des consommateurs. Les politiques publiques de recherches n’ont fait qu’accompagner ce processus de « valorisation » économique dans lequel les résultats de la recherche sont de plus en plus jugés par les marchés financiers. Le système de brevetage systématique de la connaissance et du vivant est ainsi imposé à toute la planète via les accords de l’OMC de 1994 sur la propriété intellectuelle. Dans bien des domaines, ce sont aujourd'hui des entreprises privées qui orientent la recherche. » [43]

A l'échelle mondiale, « le risque des institutions à dominante sectorielle est aussi, à tout niveau, de s’appuyer sur des corps techniques qui se dotent de leurs propres références et raisonnent en vase clos. On peut observer cette logique aussi bien avec la "communauté des brevets" qui promeut la brevetisation du vivant, que pour les instances qui contrôlent l’énergie nucléaire. Cette approche sectorielle est d’autant plus dangereuse que les communautés d’experts sont, dans tous les domaines techniques et juridiques complexes, de plus en plus dominées par les grands groupes économiques qui financent la recherche-développement. » [44]

En contrepartie ils existent plusieurs expériences innovatrices dans le domaine de la science telles que les clauses de conscience [45]; les conférences de consensus, comme outil de la démocratisation du système de production; les « Science shops »; et la « Community-based research ». Aussi, des scientifiques engagés s'organisent de plus en plus à l'échelle mondiale [46]

Côté éducation, la marchandisation se fait sentir aussi via la limitation grave des budgets qui affectent la qualité de l'éducation générale en tant que service public. Le dossier de la revue Global Future Online nous rappelle, que « à mi-chemin de l’horizon 2015 (n. a. horizon des Objectifs du millenium), le fossé reste béant : 80 millions d’enfants (dont 44 millions de filles) ne vont pas à l’école, et l’exclusion de groupes marginalisés ne cesse d’augmenter (26 millions d’handicapés et 30 millions d’enfants touchés par des divers conflits). Même si un accès universel à l’éducation est fondamental, il doit être accompagné d’une amélioration des résultats d’apprentissage, tout particulièrement en matière d’alphabétisation et de connaissances de base essentielles pour réduire la pauvreté. » [47]

Au delà de la seule universalisation du système éducatif actuel, un autre chantier ouvert est celui de son amélioration et son adaptation à la rapidité des changements dans un monde complèxe et imprévisible. Pour cela, Edgar Morin affirme qu'il faut « reconsidérer l’organisation de la connaissance (...) abattre les frontières traditionnelles entre les disciplines et concevoir la manière d’unir à nouveau ce qui jusqu’à présent a été séparé ». Le rapport à l'UNESCO élaboré par Morin contient « sept principes pour l'éducation du futur » dont la lutte contre l’erreur et l’illusion qui parasitent le comportement et l’esprit humain ; les principes d’une connaissance pertinente, c’est-à-dire d’une pensée qui distingue et qui relie ; l’enseignement de la condition humaine ; l’enseignement de l’identité terrienne ; la conscience des incertitudes humaines et scientifiques et l’apprentissage des stratégies pour les affronter ; l’enseignement de la compréhension de soi et de l’autre ; et l’éthique du genre humain. [48]

Enfin, la croissance exponentielle des nouvelles technologies et notamment d'internet, a été accompagné pendant la dernière décennie par le développement d'une véritable communauté mondiale de production et d'échange de biens qui est en train de modifier à jamais le paysage des industries de la culture, l'édition, la musique et les média, parmi d'autres, et qui est en train d'influencer les comportements sociaux d'un nombre chaque fois plus grande de personnes, ainsi que les modes d'organisation des institutions, des entreprises et de la société civile. En dehors des communautés peer -to-peer et de projets d'élaboration collective des connaissances tels que wikipédia qui engagent millions d'utilisateurs dans tout le monde, il y a des aspects encore plus innovateurs tels que les types de propriété alternatifs à la propriété privée comme les creative commons ainsi que la pratique de la cyberdémocratie, et la possibilité réelle de la développer aux échelles sectorielle, régionale et mondiale.

Regards régionaux sur la gouvernance mondiale

L'intérêt récent et croissant que les différents acteurs régionaux portent sur la gouvernance mondiale permet de parler déjà de regards régionaux qui vont au-delà des seules argumentations égocentriques, c'est-à-dire qui ne répondent plus à des questions du type « qu'est-ce que le monde peut apporter à mon pays ou à ma région ? » mais à des questions du type « qu'est-ce que mon pays ou ma région peut apporter a l'ensemble du monde ? ».

Afrique

Perçus souvent comme un problème à résoudre plutôt que comme un peuple ou une région ayant son mot à dire dans la politique internationale, les Africains et l'Afrique peuvent inspirer et participer à la construction de la gouvernance mondiale, parmi d'autres, à partir de leur tradition philosophique de solidarité communautaire et sociale. Dans ce sens, par exemple, Sabelo J. Ndlovu-Gathseni nous rappelle la pertinence du concept d'Ubuntu, qui souligne l'interdépendance des êtres humains. [49]

C’est ainsi que la société civile africaine commence a élaborer des propositions concernant la gouvernance du continent qui prennent en compte toutes les dimensions (locale, africaine, mondiale) en même temps. A titre d’exemple, les propositions du réseau "Dialogues sur la gouvernance en Afrique" concernent « la construction d’une gouvernance locale légitime » ; une refondation des États « capable de relever les défis du développement du continent » et enfin « une gouvernance régionale efficace pour sortir l’Afrique de sa marginalité ».[50]

Amérique du nord

L’arrivée de Barack Obama au pouvoir aux Etats-Unis en 2008 va sans doute marquer des changements profonds dans l’orientation de l’ensemble de la politique internationale et de la gouvernance mondiale dans les années à venir. Le nouveau président nord-américain s’est positionné en faveur de l’inscription de son pays dans un nouveau ordre multilatérale où l’ONU doit jouer un rôle plus important.

Parmi des points innovateurs et importants de la politique internationale annoncée par Obama, il faut souligner la reprise du « Global Poverty Act » qui a pour but de contribuer à l’accomplissement de l'objectif du Millennium des Nations unies concernant la réduction à la moitié, en 2015, de la population mondiale qui survit avec moins d'un dollar par jour. L'assistance à l'extérieur doublera jusqu'à atteindre les 50 billions de dollars. Ils doivent aider à la mise en place de communautés éduquées et en bonne santé, réduire la pauvreté et augmenter le niveau de santé de la population.

Une autre mesure innovante annoncée c'est la participation du peuple nord-américain dans la prise de décisions concernant la politique extérieure, moyennant le développement de rencontres citoyennes au niveau des municipalités pour discuter sur des aspects fondamentaux de cette politique.

Concernant les institutions internationales, le site web d'Obama prône pour une reforme de la Banque mondiale et du Fonds mondial international, bien qu'il ne donne plus de détails.

Voici quelques autres des points du plan Obama-Biden de politique internationale, qui concernent directement la gouvernance mondiale[51]

  • Renforcement du traité de non-prolifération nucléaire
  • Vers la dénucléarisation planétaire en plusieurs étapes dont une coopération renforcée avec la Russie pour une réduction importante des stocks d’armement nucléaire des deux pays.
  • Modification de la culture du secret : mise en place d’un Centre national de déclassification pour assurer une déclassification efficiente, sure, mais aussi routinière et avec un bon rapport cout-efficacité.
  • Augmentation des fonds mondiaux sur le SIDA, la tuberculose et le paludisme. Éradication des morts par paludisme en 2015 moyennant une augmentation très importante de l’accès aux médecines et aux moustiquaires.
  • Augmentation de l’aide aux enfants et à la santé des mères, ainsi que de l'accès aux programmes de santé reproductive
  • Établissement d’un fonds mondial pour l’éducation de 2 billions de dollars. Augmentation des fonds pour l'accès à l'eau potable et aux systèmes d'égouts.
  • D’autres mesures d’importance similaire concernant l'agriculture, la petite et moyenne entreprise, et appui à un modèle de commerce international créateur d’emploi et capable d'augmenter le niveau de vie des pays pauvres.
  • A propos de l'énergie et le réchauffement climatique, Obama prône pour a) une réduction du 80% des émissions des gaz à effet de serre en 2050, b) une inversion de 150 billions de dollars en énergies alternatives en 10 ans, et c) la création d'un Forum mondial de l’énergie capable de mettre en route une nouvelle génération de protocoles climatiques.

Amérique Latine

En Amérique Latine, l’arrivée au pouvoir avec le changement de siècle, d'une nouvelle génération de gouvernements de gauche, dans toute sa diversité, a permis aussi l'expérimentation de processus de renouvellement de la politique et de la gouvernance. Certaines expériences sont importantes au niveau de la redéfinition du rôle des États à l'appui de la participation citoyenne et peuvent ainsi servir de modèle à une future gouvernance mondiale construite avant tout à partir de la voix des peuples. Les assemblées constituantes en Équateur et en Bolivie sont à ce titre des exemples fondamentaux :

En Équateur, les mouvements sociaux et indigènes ont été à l'origine, depuis 1990, des discussions à propos de la formation d'une assemblée constituante.[52]. Après la montée de Rafael Correa au pouvoir en novembre 2006, c'est grâce à une forte mobilisation populaire avec comme slogan « que se vayan todos » (Qu’ils partent tous) que l'ensemble des partis politiques du congrès ont accepté la convocation du referendum pour la création de l'assemblée. C'est ainsi que le gouvernement de Rafael Correa a convoqué en avril 2007 la consultation populaire pour l'approbation de la mise en place d’une assemblée constituante. Une fois approuvée, en septembre ont été élus 130 membres de l'assemblée (dont 100 provinciaux, 24 nationaux et 6 pour les migrants en Europe, Amérique Latine et les États-unis) et en novembre celle-ci à été officiellement mise en place. Les membres de l'assemblée appartenaient autant aux partis politiques traditionnels comme aux nouveaux mouvements sociaux. En juillet 2008 l'assemblée à achevé le texte de la nouvelle constitution et en septembre 2008 il y a eu lieu le référendum pour son approbation. Le oui au nouveau texte l'a emporté par 63,9% face à 28,1% de votes contraires et avec un 24,3% d'abstention.[53]

La nouvelle constitution fonde l'État de droit sur les DESCE (Droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux) et transforme le modèle juridique de l’État social de droit vers une « Constitution du bien être garanti » (Constitución del bienestar garantizado) inspirée de l’idéologie communautaire ancestrale du « bien vivre » des anciens quechuas ainsi que de l’idéologie du socialisme du siècle XXI. La constitution développe le concept de souveraineté alimentaire, pour lequel établit un système protectionniste que bénéficie la production et le commerce intérieurs. Il développe aussi un modèle d’assistance publique pour l’éducation, la santé, les infrastructures et d’autres services.

Elle instaure aussi, en plus des trois pouvoirs traditionnels, un quatrième pouvoir appelé Conseil de participation citoyenne et control social, constitué des anciens organismes de control constitutionnels et par des mouvements sociaux qui doivent juger le caractère constitutionnel ou pas des politiques publiques.

En Bolivie, la nouvelle constitution a été approuvé le 25 janvier 2009 par référendum, avec 61,4% des votes pour, 38,6% contre et une participation du 90,2% des électeurs. Le projet de constitution avait été préparé par une assemblée constituante qui ne répondait plus ou seulement aux intérêts des partis ou des élites mais qui représentait aussi les peuples indigènes et les mouvements sociaux. Du même qu’en Equateur, la proclamation d’une assemblée constituante était une réclamation populaire qui remontait aux rencontres entre peuples indigènes de tout le pays aux années 1990, aux marches indigènes de début des années 2000 et au « Pacte d'unité programmatique » (Pacto de Unidad Programático) souscrit par des paysans, des indigènes et des peuples originaires en septembre 2004 à Santa Cruz[54]

La Constitution, parmi d’autres, reconnaît l’autonomie des peuples indigènes, l'existence d'un système judiciaire indigène propre, la propriété exclusive des ressources forestières de chaque communauté, et un quota de parlementaires indigènes. La Constitution donne autonomie aux départements, droit d’administrer leurs ressources naturels et l'élection directe de leurs représentants. Le latifundio est interdit avec l'établissement d'un maximum de 5000 ha de propriété par personne. L'accès à l'eau et aux systèmes d'égouts sont inscrits en tant que droits humains qui doivent être fournis par l’État, parmi d'autres services basiques tels que l’électricité, le gaz, la poste et les télécommunications, qui peuvent être fournis par l'État, ou par des entreprises concessionnaires. La nouvelle constitution établit aussi un modèle économique social et communautaire constitué par organisations publiques, privées et sociales coopératives ; elle garantit l'initiative privée et la liberté d’entreprise et établit comme l’un des rôles des organisations publiques l’administration des ressources naturels et des processus associées, ainsi que le développement des services publics inscrits dans la Constitution. On privilégie l’investissement national et coopératif à l’international et privé.

L'État « plural et unitaire » de Bolivie a 36 langues indigènes officielles ensemble avec l'espagnol. Les ressources naturelles sont propriété du peuple et administrés par l’État. Enfin, la forme de démocratie n'est plus considérée exclusivement représentative et/ou basée sur les partis. Ainsi, « le peuple délibère et exerce le gouvernement à travers leurs représentants et l'Assemblée constituante, l'Initiative législative citoyenne et le référendum (…) » [55] « la représentation populaire s'exerce, à travers les partis politiques, les groupements citoyens et les peuples indigènes » [56]. C’est ainsi que « les partis politiques, et/ou les groupements citoyens, et/ou les peuples indigènes, pourront postuler des candidats directement aux postes de président, vice-président, sénateurs, députés, membres de l'Assemblée constituante, conseillers, maires, agents municipaux. En égalité de conditions devant la loi (…) » [57]

En Amérique Latine aussi, « L ’Amazonie est un énorme réservoir de biodiversité et un pôle majeur de régulation climatique de la planète, en voie de pillage et de dégradation accélérés, un territoire largement dépourvu de gouvernance, mais siège d’initiatives populaires d’organisation » (...) « L’Amazonie peut représenter le terrain fertile d’une véritable école de “bonne” gouvernance si elle est soignée comme un bien commun et précieux, en premier lieu par les Brésiliens (65 % de l’Amazonie s’étend sur le territoire brésilien), par les peuples des pays d’Amérique du Sud qui l’entourent, mais aussi par tous les habitants de la Terre. » [58][59]

Ainsi, « Dans la perspective de la gouvernance mondiale, l'Amazonie est d'une certaine manière un formidable laboratoire. Elle permet, entre d'autres choses, d'examiner à la loupe les effets négatifs du productivisme et le montage écologique qui permet de déguiser celui-ci avec divers costumes, dont celui-ci du "développement durable". L'urbanisation galopante, la violation des droits de l'homme, la multiplication des conflits (on en recense quatorze types pour des centaines de cas en Amazonie), la protection des populations indigènes, leur participation active à la gouvernance locale, sont autant de problématiques qui concernent également l'ensemble de la planète, sans parler de l'environnement évidemment. Mais le plus intéressant peut-être en Amazonie, ce sont ces multitudes d'initiatives locales, y compris parmi les populations indigènes, qui témoignent de la possibilité réelle et concrète d'une organisation différente, afin de combiner une économie locale saine, une bonne cohésion sociale et un modèle de développement durable non déguisé cette fois. Ce qui fait de l'Amazonie un "territoire de solutions". [60]

Selon Arnaud Blin, le problème amazonien aide à poser certaines questions fondamentales sur l'avenir de l'humanité : tout d'abord celui de la justice sociale, « comment construire un nouveau modèle de civilisation qui promeuve la justice sociale ? Comment mettre sur pied une nouvelle architecture sociale qui nous permet de vivre ensemble ? ». Ensuite, poursuit l'auteur, des concepts comme la notion de "territoire des peuples" ou encore celle de "territoire de vie" issus de la tradition indigène, servent à remettre en cause la propriété privée, ainsi que l'injustice sociale. Enfin, le concept émergent de "responsabilité de protéger", qui fait suite au "droit d'ingérence" et a jusqu'à présent été utilisé pour tenter de protéger les populations mises en danger par les guerres civiles, peut être également étendu aux populations menacés par la prédation économique et à la protection de l'environnement [61]

Asie

L'intérêt croissant en Asie pour la gouvernance mondiale s'ouvre un chemin parmi les discours officiels et médiatiques, dominées par les visions nationalistes des états. A Shanghai en 2006, un exercice de rédaction de propositions pour la gouvernance mondiale, dans lequel participèrent des jeunes vénus de tout le continent, donna lieu à des idées et des projets qu'on pouvait classifier en deux types : le premier type plus « classique » concernant la création de quelques nouvelles institutions telles qu'une Organisation internationale des emissions ; et un deuxième type plus innovant concernant l'organisation de systèmes en réseau. Par exemple, un système de contrôle coopératif à l'échelle mondiale entre les États [62] ou l’auto-organisation de la société civile mondiale en réseau à l'appui des nouvelles technologies, qui doivent servir pour mettre en place un Centre mondial d’appel à l’aide ou enfin un nouveau modèle basé sur les citoyens qui communiquent librement, échangent des informations, discutent et cherchent des solutions par le consensus. Pour cela ils utilisent l'internet et les média, et travaillent dans le cadre de plusieurs types d'organismes : des universités, des ONG, de bénévoles locaux et des groupes de la société civile.[63]

L'évolution des discours et des pratiques de gouvernance en Asie à l'échelle régionale ainsi que des propositions à l'échelle mondiale, va être déterminant dans les temps à venir, étant donné le poids démographique de ce continent, pour le renforcement ou non du dialogue à l'échelle planétaire entre des acteurs de toute sorte, qui doit servir un ordre plus juste.

Europe

Selon Michel Rocard il n'y a pas de regard européen commun mais une histoire collective qui permet aux européens de pencher à la faveur des projets gradualistes de construction politique tels que celui de la propre Union Européenne. A partir de l'affirmation de ce constat, Rocard imagine une perspective européenne qui prône pour le développement de trois voies pour la construction de la gouvernance mondiale : la réforme de l'ONU ; l'élaboration de traités internationaux comme source principale de la régulation mondiale ; et enfin « la pénétration progressive de la justice dans l'espace international » [64]

Pour l'auteur il y a certaines « grandes questions du jour » , telles que l'adhésion de tous les pays à la cour pénale; la possibilité d'une police internationale autorisée à arrêter des criminels internationaux; le développement de procédures judiciaires face aux paradis fiscaux, aux activités massivement polluantes, aux États qui soutiennent les activités terroristes. Il y a aussi des « nouvelles questions » qui peuvent nourrir le débat dans les temps à venir telles qu'un projet de Déclaration d'interdépendance ; le rééquilibre du commerce mondial et des activités de l'OMC; et la création des régulations mondiales pour la gestion des biens communs (l’air, l’eau potable, le pétrole…) et des services d’intérêt général (l’éducation, la santé…). [65]

Regards des acteurs sur la gouvernance mondiale

On ne peut pas parler encore de regards des acteurs de manière généralisée si bien, du même que dans le cas des régions, l'intérêt pour la gouvernance mondiale est croissant et on va y assister certainement dans les prochaines années à des prises de position de la part de différents types d'acteurs et de secteurs sociaux plus ou moins organisés internationalement.

Acteurs institutionnels et étatiques

  • Parlementaires

Le Forum Parlementaire Mondial, qui réunit librement des parlementaires de tous les états et qui a lieu chaque année en parallèle au Forum social mondial, a élaboré dans sa sixième rencontre à Caracas en 2006 une déclaration qui contient un ensemble de propositions qui manifeste leur point de vue à propos des changements que sont précis. [66]

  • Militaires

L'« Alliance des militaires » est un espace « d'expression et d’échange d’idées et de positions sur les sujets les plus diverses influant sur la sécurité et la stabilité » dont l'objectif est de « mener une réflexion sur les questions de sécurité et de défense, ainsi que sur les moyens de faire la promotion d'une « Conscience de défense et de sécurité » auprès des citoyens qui leur permet de mieux comprendre les risques et les chances inhérents aux relations internationales dans un monde qui se globalise et de participer activement à la définition des conditions pour assurer la stabilité de ces relations et la paix. » Ses membres sont des militaires ou des personnes intéressées sur les sujets relatifs à la sécurité humaine.

Certaines associations membres de l' « Alliance des militaires » sont à l'origine d’une Charte pour la promotion d’une « Conscience européenne de sécurité et de défense (CESD) ». Dans ce document, destiné à l'opinion publique générale, sont formulés les objectifs, les tâches, les conditions d'adhésion et la mise en oeuvre d'une coopération militaire renforcée au niveau européen. L'un des buts fondamentaux est la promotion de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD) auprès d'un large public, sans pour autant vouloir remettre en cause le partenariat transatlantique et les fonctions des Nations Unies. Dans les domaines de la sécurité et de la défense, les actions des gouvernements nationaux et des institutions européennes doivent aller de pair avec l'adhésion des citoyens d’Europe.

Acteurs non-étatiques

La liberté de penser des acteurs non-étatiques leur confère la possibilité d'élaborer une réelle pensée alternative à propos des domaines de la gouvernance mondiale, mais ils ont peu ou pas profité encore de cette chance.

Pour Pierre Calame « Les acteurs non étatiques ont toujours joué un rôle essentiel dans les régulations mondiales mais leur rôle est appelé à croître de façon considérable en ce début de 21ème siècle. Les acteurs non étatiques jouent un rôle moteur dans la gouvernance mondiale dans de nombreux domaines. Pour mieux comprendre et développer le rôle des acteurs non étatiques il faut l’analyser à la lumière des principes généraux de gouvernance (...) Les acteurs non étatiques par leur vocation, leur taille, leur flexibilité et leur mode d’organisation et d’action font jeu égal avec les Etats, ce qui ne signifie pas pour autant que leur action soit mieux adaptée. [67]

Propositions pour une nouvelle gouvernance mondiale

Plusieurs acteurs ont produit des listes de propositions pour une nouvelle gouvernance mondiale plus responsable, juste, solidaire, articulée et respectueuse de la diversité de la planète. Parmi eux :

Joseph E. Stiglitz propose une liste de réformes sur l’organisation interne et le rôle externe de diverses institutions internationales dans le cadre de la gouvernance globale. Il traite également de la fiscalité globale, de la gestion des ressources mondiales et de l’environnement, de la production et de la protection des connaissances globales, et de la nécessité d’une infrastructure juridique globale. (...) [68]

Voici quelques autres propositions, issues du Cahier de propositions pour la gouvernance mondiale : Matérialiser le principe de responsabilité ; Mieux associer la société civile à l'élaboration et à la mise en œuvre des règles internationales ; Mieux impliquer les parlements nationaux à l'élaboration et la mise en œuvre des règles internationales ; Rééquilibrer au profit du Sud les modalités de négociation et de mise en œuvre des règles; Accélérer la mise en place des ensembles régionaux ; Etendre et préciser la notion de bien commun ; Distinguer les pouvoirs de proposition et de décision pour reconstruire les Nations Unies ; Développer des systèmes indépendants d'observation, d'alerte et d'évaluation ; Diversifier et stabiliser les bases du financement de l'action collective internationale ; Engager un vaste processus de consultation, un nouveau Bretton Woods pour les Nations Unies. [69]

Voici un autre exemple de liste de propositions:

  • « La sécurité des sociétés et sa corrélation avec la nécessité de réformes globales - Une économie maîtrisée et fondée sur le droit, orientée vers la stabilité, la croissance, le plein-emploi et la convergence Nord-Sud ;
  • Des droits égaux pour tous, impliquant l’établissement d’une logique de redistribution à l’échelle mondiale ;
  • L’éradication de la pauvreté dans tous les pays ;
  • Le développement durable à l’échelle mondiale comme impératif absolu dans l’action politique à tous les niveaux ;
  • S’attaquer aux racines de la lutte contre le terrorisme et le crime ;
  • Des institutions internationales cohérentes, efficaces et pleinement démocratiques ;
  • Une Europe qui doit partager son expérience de réponse aux défis de la mondialisation et établir des véritables stratégies de partenariat dans la perspective d’un nouveau multilatéralisme. »

[70]

Le Dr. Rajesh Tandon, président du FIM (Forum International de Montréal) et président de la PRIA (Participatory Research in Asia), avait préparé lors de la conférence intitulée « Démocratie globale : visions et stratégies de la société civile (G05) » un document-cadre intitulé Democratization of Global Governance, dans lequel il présentait cinq principes sur lesquels les actions de la société civile pourraient s’appuyer :

  • « Les institutions globales et l’agenda global devraient être soumis à une responsabilité politique démocratique.
  • La politique démocratique au niveau mondial nécessite une légitimité de contrôle populaire par l’intermédiaire de mécanismes de représentation directe.
  • La participation citoyenne dans la prise de décision au niveau global nécessite l’égalité des chances pour tous les citoyens du monde.
  • Plusieurs sphères de gouvernance (au niveau local, provincial, national, régional et global), devraient soutenir conjointement la démocratisation de la prise de décision à tous les niveaux.
  • La démocratie globale doit garantir que toutes les richesses publiques globales soient accessibles de manière équitable à tous les citoyens du monde. »

[71]

Citations

Notes et références de l'article

  1. Blin, Arnaud ; Marin, Gustavo ; repenser la gouvernance mondiale, article réalisé dans le cadre de l'atelier « Gouvernance Mondiale » du Forum Chine-Europe, 4-7 octobre 2007
  2. Forum pour une nouvelle gouvernance mondiale (FnGM) ; Pourquoi un forum pour une nouvelle gouvernance mondiale ?
  3. Pierre Jacquet; Jean Pisani-Ferry; Laurence Tubiana; A la recherche de la gouvernance mondiale
  4. FnGM ; Les principes de la gouvernance : guide pour l'elaboration de propositions sur la gouvernance mondiale
  5. FnGM ; Les principes de la gouvernance : guide pour l'elaboration de propositions sur la gouvernance mondiale
  6. Scholte, Jan Aart; Société civile et légitimation de la gouvernance globale; CSGR Working Paper No. 223/07. Mars 2007
  7. Calame, Pierre; La démocratie en miettes. Pour une révolution de la gouvernance ; Ed. Charles Léopold Mayer, Ed. Descartes et cie. 2003, p. 155-6
  8. Künemann, Rolf; La portée extraterritoriale de la Convention internationale des droits économiques, sociaux et culturels (CIDESC).
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  70. Groupe de réflexion « Europe-Mondialisation; Pour une réforme globale. Une approche social-démocrate de la mondialisation
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  • Pierre Jacquet, Jean Pisani-Ferry, Laurence Tubiana,Gouvernance Mondiale, Conseil d'analyse économique

Sources

Sites web

Forum pour une nouvelle Gouvernance Mondiale (FnGM), un site de débat public et de réflexion sur la gouvernance mondiale, dont l'objectif est de formuler des propositions viables à partir de l'intelligence collective.

Ouvrages

Voir aussi

Liens internes

Sur Wikipédia

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