Pluralisme juridique

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La prééminence des systèmes juridiques hérités de la colonisation

Dans les régions du monde (Amérique Latine, Afrique, Asie etc.) ayant subi une domination coloniale occidentale, la plupart des systèmes juridiques nationaux ont cherché à unifier les modes de régulation des sociétés dans un double sens: uniformisation des normes d’une part et, d’autre part, unification des sources de celles-ci. L’uniformisation des normes a souvent consisté à imposer un modèle dominant largement emprunté à des systèmes juridiques étrangers. Dans ces pays, l’influence des systèmes coloniaux s’est traduite par des normes d’inspiration judéo-chrétienne et romano-germanique. Quant à l’unification des sources, élément parmi d’autres de la construction d’un État-nation en gestation soumis aux mêmes règles, elle postule que les sources du droit soient exclusivement subordonnées au monopole des institutions étatiques, notamment aux pouvoirs législatifs et règlementaires constitutionnellement reconnus. Même lorsque la coutume est source du droit, ce pouvoir de produire des normes juridiques ayant un caractère contraignant et dont la violation est sanctionnée par la force publique n’est attribué au corps social que de façon médiate à travers l’onction d’une règle provenant d’une instance étatique.

Cohabitation de plusieurs sources de droit Cette double volonté d’unification n’a pas fondamentalement eu prise sur ces sociétés et les raisons de l’inadaptation de cette greffe sont multiples. En effet, si les normes de droit positif répondent au critère de la régularité formelle et procédurale, elles satisfont rarement les deux autres critères d’une « bonne règle de droit », à savoir la légitimité et, partant, l’efficacité. Il en résulte souvent que les normes ne sont pas reconnues par leurs destinataires ni appliquées par ces derniers. Le droit dit « moderne » d’inspiration judéo-chrétienne et romano-germanique est en soi inadapté. Conçu pour la société, le droit doit être le reflet des réalités de celle-ci. Sa reconnaissance et son respect spontanés sont, au-delà de la simple menace de la sanction qu’implique son inobservation, largement subordonnés aux représentations culturelles et sociales, parfois aux conditions socio-économiques du milieu. Cette inadaptation se traduit par le recours et la référence collective à des règles dans lesquelles chaque corps social ou communauté se reconnaît. Il apparaît ainsi que le droit produit par les institutions étatiques devient un droit extérieur entrant souvent en concurrence ou en conflit avec des normes internes, véritable produit du corps social qui les a produites sans l’intermédiation d’une règle étatique.

Pluralisme juridique

Le résultat c’est l’existence en pratique de différents systèmes de production et, partant de différentes normes qui cohabitent, qui s’imbriquent ou qui s’ignorent mais qui n’ont psychologiquement ni la même force ni la même reconnaissance et qui, parfois, peuvent même constituer un frein à l’activité économique et au développement social. On a ainsi abouti à des systèmes juridiques très complexes dont l’attitude à l’égard des droits internes est typologiquement très variable selon les pays, les domaines ou la trajectoire historique. Mais en tout état de cause, l’existence d’un pluralisme juridique, de jure ou de facto, est une réalité observable dans ces pays. Le problème est donc de savoir si on doit laisser se perpétuer un tel système et en ignorer les conséquences institutionnelles, politiques, sociales et économiques ou s’il faut admettre le pluralisme juridique comme une donnée inhérente à la diversité du corps social et l’instrumenter comme un facteur de refondation de nos systèmes de gouvernance qui souffrent d’un déficit patent de légitimité et d’efficacité. La réponse à une telle question ne va pas de soi. Tout d’abord parce qu’en soi, l’admission du pluralisme juridique suppose que l’on ait une connaissance effective et systématisée des divers droits internes ou traditionnels. Or tel n’est pas le cas en raison de leur multiplicité et de leur évolutivité. Ensuite parce que les véritables implications du refus ou de l’admission du pluralisme ne sont pas totalement maîtrisées et mesurées à leur juste valeur, notamment eu égard aux difficultés de concilier la diversité des normes applicables sur une échelle de gouvernance ou une question déterminée avec la recherche de l’unité nécessaire au bon fonctionnement des sociétés. Enfin parce que le problème du pluralisme se pose à toutes les échelles de gouvernance, du local au mondial, ce qui ajoute encore à sa complexité.

Reconnaissance du pluralisme juridique

Reconnu ou non, le pluralisme juridique est une donnée incontournable dont la prise en compte est nécessaire à la refondation de la gouvernance, de l’échelle locale à l’échelle mondiale. Il s’agit donc de reconnaitre ces systèmes juridiques afin d’asseoir leur légitimité et leur efficacité tout en répondant aux besoins d’une société moderne capable de répondre aux défis de son temps et de son insertion dans un monde globalisé. Il part d’un besoin de connaissance des divers déterminants de la production des droits, de leur influence réelle et de la manière dont leur cohabitation pourrait être assurée de façon harmonieuse

Notes et références de l'article

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