Écologie industrielle et territoriale

De Coredem
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Mise en oeuvre des principes de l’écologie industrielle sur un territoire donné. En développant ainsi les coopérations, on augmente la part d’exergie réellement utilisée dans un territoire.

L’Ecologie Industrielle et Territoriale, de quoi parle-t-on ?

D’où vient le concept ?

Si des idées allant dans ce sens ont pu être repéré avant, c’est à la fin des années 1990 que l’on reconnaît généralement la naissance de ce concept et au sein du laboratoire de recherche de General Motors : « Dans le système industriel traditionnel, chaque opération de transformation, indépendamment des autres, consomme des matières premières, fournit des produits que l’on vend des déchets que l’on stocke ; on doit remplacer cette méthode simpliste par un modèle plus intégré : un écosystème industriel [. …] Un écosystème industriel pourrait fonctionner comme un écosystème biologique : les végétaux synthétisent des substances qui alimentent les animaux herbivores, lesquels sont mangés par des animaux carnivores, dont les déchets et les cadavres servent de nourriture à d’autres organismes. On ne parviendra naturellement jamais à établir un écosystème industriel parfait, mais les industriels et les consommateurs devront changer leurs habitudes, s’ils veulent conserver ou améliorer leur niveau de vie, sans souffrir de la dégradation de l’environnement. […] Les concepts d’écologie industrielle doivent être connus des fonctionnaires, utilisés par eux, par les cadres de l’industrie et par les médias. Ils doivent être présentés à tous les citoyens, et guider la conduite des gouvernements et des industriels. »[1]

Comment le définir ?

« L’écologie industrielle s’inscrit dans l’Ecologie des sociétés industrielles, c’est-à-dire des activités humaines productrices et/ou consommatrices de biens et de services. Elle porte une attention particulière à l’analyse des interactions entre les sociétés et la nature et à la circulation des matières et de l’énergie qui les caractérisent, ou qui caractérisent les sociétés industrielles elles-mêmes. Ces flux sont analysés d’un point de vue quantitatif (métabolisme industriel) voire naturaliste, mais aussi d’un point de vue économique et social, dans une perspective systémique. L’écologie industrielle constitue ainsi un champ de recherche pluri- et inter-disciplinaire, mais aussi une démarche d’action dans la perspective d’un développement durable. En ce sens, elle appelle un changement de paradigme et de représentation, basé sur une approche systémique. L’écologie industrielle peut se focaliser sur une filière, une entreprise, un établissement industriel, une zone industrielle, un territoire, une région, une matière… etc. Elle se réfère à des méthodes, à l’écologie scientifique, à la thermodynamique, à la sociologie des organisations, etc. »[2]

Qu’est-ce qu’un métabolisme territorial ?

« Le métabolisme [...] est l’étude des composants biophysiques du système [...]. Cette démarche, essentiellement analytique et descriptive, vise à comprendre la dynamique des flux et des stocks de matière et d’énergie liées aux activités humaines depuis l’extraction et la production des ressources, jusqu’à leur retour inévitable, tôt ou tard, dans les processus biogéochimiques. »[3]

Le préalable à l’étude de métabolisme est le principe de conservation de la masse qui veut que la quantité de matière en circulation dans la biosphère reste constante. L’étude de métabolisme consiste donc à comprendre les dynamiques de flux et les stocks d’un territoire. Il s’agit alors de réaliser une étude à la fois quantitative et qualitative du substrat des activités socio-économiques à savoir les matières et énergies et à en retracer les itinéraires. Pour cela, une collecte de données est nécessaire qui permette de mettre en lumière l’état du fonctionnement du système considéré (entreprise, zone industrielle, région, pays, etc.) et les améliorations synergiques potentielles à apporter.

Un exemple de métabolisme industriel : la symbiose de Kalundborg (Danemark)

Pour donner corps à ce concept, un exemple très connu est souvent utilisé : la symbiose industrielle de Kalundborg.

Une configuration spécifique

C’est au Danemark, dans le port de Kalundborg, à l’ouest de Copenhague que s’est développée ce que les experts nomment maintenant la « symbiose industrielle de Kalundborg ». Kalundborg étant l’un des seuls ports de la mer Baltique accessible en hiver, c’est tout naturellement que les activités s’y sont implantées. Les choses ont commencé dans les années 1960, principalement autour de projets bilatéraux, sans plan ni théorie particulière et dans un souci premier de rentabilité économique autour de trois axes principaux : optimiser l’utilisation de l’eau, économiser l’énergie et réutiliser les déchets.

Sans rentrer dans le détail des presque 25 échanges (en 2006) de flux à l’œuvre sur ce territoire, en voici les principaux. Au cœur du système, on trouve la plus grande centrale électrique au charbon du pays, Asnaesverket. A proximité, une raffinerie de pétrole (la plus grande du Danemark également) Statoil. Celle-ci fournit de l’eau usée pour refroidir la centrale, laquelle vend de la vapeur à la raffinerie, à la société pharmaceutique Novo Nordisk, à la société suédoise Gyproc qui produit notamment du Placoplatre et à la commune de Kalundborg pour le chauffage municipal. Elle fournit également de l’eau chaude à une ferme d’aquaculture. Depuis 1990, la centrale a mis en place une installation de désulfuration. L’intérêt ici est que par réaction avec de la chaux, le soufre des gaz de combustion donne du gypse. Ce dernier peut alors être utilisé par Gyproc qui n’a donc plus besoin d’importer du gypse extrait du milieu naturel et provenant d’Espagne.

Fichier:Exemple.jpg

Des résultats probants

Avec un retour sur investissement de 5 ans pour les gros projets et deux pour les plus petits, les chiffres sur les économies réalisées sont explicites :

Eau souterraine 1,9 million m3/an
Eau de surface 1 million m3/an
Pétrole 20 000 tonnes/an
Gypse 200 000 tonnes/an
Investissement (18 projets) 75 millions US $
Gains totaux (1980 – 1998) 160 millions US $


Une expérience inédite

La situation à la fois géographique et sociale de Kalundborg en fait un territoire bien spécifique qui a si ce n’est encouragé du moins favorisé la mise en œuvre et le développement de ces échanges interentreprises.

« La principale caractéristique de ce projet c'est la spontanéité. Les entreprises ont compris par elles-mêmes qu'elles avaient intérêt à coopérer. Cela requière un peu de confiance. Les personnes doivent se connaître. Ces échanges ne peuvent être organisés ou forcés par une organisation nationale. Au début nous nous sommes beaucoup intéressés à la technique, mais nous nous apercevons que le plus important c'est que les gens restent en contact. C'est peut-être pour cela que tout a commencé à Kalundborg, une petite ville de 20 000 habitants. Si les grandes entreprises étaient implantées dans une grande ville, les dirigeants ne se seraient pas connus à l'inverse d'un petit village. Dans une grande ville, nous n'aurions pas eu l'idée de dialoguer ensemble. »[4]

Les résultats impressionnants liés à cette symbiose montrent sans équivoque la performance d’une démarche d’écologie industrielle et territoriale intégrée et mature. Ils ne doivent cependant pas masquer l’aspect « exceptionnel » d’un tel niveau de coopération.

Un exemple de métabolisme d'un territoire rural : La Bergerie de Villarceaux (France, Val d'Oise)

Bonne nouvelle, en France aussi des initiatives originales existent ! L’exemple qui suit présente plus précisément l’une des premières études (2003) de métabolisme réalisées sur un domaine agricole en France.

Une étude pionnière des métabolismes ruraux : le domaine de la Bergerie

Situé dans le Parc Naturel Régional du Vexin, à soixante-dix kilomètres à l’ouest de Paris, le domaine de la Bergerie exerce diverses activités sur une superficie de 790 hectares. La principale activité est celle d’une ferme pour laquelle il a été décidé, en 1994, de délaisser l’agriculture de type productiviste pour une agriculture biologique, avec certification. Les secteurs concernés sont la céréaliculture, l’élevage (bovins et ovins) et la sylviculture. Il existe des activités plus marginales de maraîchage, liées à des actions d’ordre social (association Halage de l’Ile Saint Denis dans le 93) et d’accueil de classes de la ville de l’Ile-Saint-Denis. On y pratique aussi le golf, agrémenté d’un restaurant, ainsi que la chasse.

Première étape d´une démarche générale d´écologie industrielle, la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme (FPH), propriétaire du domaine de la Bergerie a confié à Ecologie Industrielle Conseil (EIC) la mission d’établir un bilan des flux de matière et d´énergie (métabolisme territorial en langage de l’écologie industrielle). La volonté de la Bergerie était en effet d’appliquer une démarche fondée sur l’écologie industrielle dans sa stratégie de gestion territoriale. Pour acquérir une meilleure compréhension de son fonctionnement, la Bergerie a donc souhaité apprécier les flux de matière et d’énergie générés par chacune des activités c’est-à-dire, au sens de l’écologie industrielle, en déterminer le « métabolisme industriel ».

Une méthodologie dédiée

Le domaine de la Bergerie a été étudié comme un système à part entière, avec ses flux entrants et sortants, comprenant des activités (ou procédés) en amont (culture, élevage, golf, chasse, transports, etc.), et en aval (négoce, déchets, etc.).

La détermination des activités du système - déclinée en sous-activités, elles-mêmes comprenant un certain nombre de tâches, ou actions concrètes - s’est faite en dialoguant avec les responsables de la Bergerie et a été adaptée au fur et à mesure de la collecte des données utiles à l’étude. Le critère retenu a donc été celui d’une perception de la cohérence d’exploitation économique et technologique pour les responsables de La Bergerie.

Quels en sont les résultats ?

Cette étude a permis de réaliser un bilan global des masses du système. Des schémas pour les différents sous-systèmes ont été réalisés, mais voici ci-après le schéma permettant de visualiser simplement les entrées et sorties de matières de tous les composants confondus.

métabolisme de la ferme de la Bergerie (Vexin, France)

L’étude a donc permis de collecter des données quantitatives et qualitatives des différents flux correspondants aux différentes activités du domaine de la Bergerie. La collecte de données n’est pas une fin en soi. Elle a cependant permis d’avoir une vision opérationnelle de ce territoire et ainsi, de faire un certain nombre de recommandations dont certaines ont fait l’objet de réflexions approfondies.

Notes et références

  1. Citation tirée d’un article de R. Frosch et N. Gallopoulos, (respectivement vice-président de la recherche et responsable de la recherche sur les moteurs chez General Motors), parus dans la revue Pour la science, de novembre 1989, version française d’un article du Scientific American.
  2. Définition établie par « Arpège » (groupement d’experts de l’écologie industrielle et territoriale) dans le cadre des ateliers de réflexion prospectifs de l’ANR.
  3. Suren Erkman, Vers une écologie industrielle, Ed. Charles Léopold Mayer, Paris, 2004, p.12
  4. Jorgen Christensen. Il a été, durant 14 ans, le Directeur Général de l’usine Novo Nordisk (une des sociétés présentes dans la zone) et est à l’origine de plusieurs projets de coopération avec les autres sites de production. Il est désormais le principal porte-parole et promoteur du modèle de « symbiose industrielle » de Kalundborg.

Articles connexes

Liens et documents externes


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