Gouvernance légitime

De Coredem
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Résumé

Cette notion utilisée par l'Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA), part d'une analyse de la situation de la gouvernance en Afrique qui participe de la crise de la gouvernance mondiale. Elle propose une "Charte africaine pour une gouvernance légitime"Texte gras dont l'ambition est de tracer des perspectives de refondation de la gouvernance, tant à l’échelle globale, qu’aux niveaux continental, régional et local, et de ce fait, contribuer à l’avènement d’une Afrique responsable de son avenir et de son apport au Monde.

La crise de la gouvernance est mondiale=

La gouvernance est devenue depuis quelques années un thème à la mode que tout discours sur l’avenir de l’Afrique (et d’autres continents en développement) se doit d’inclure pour être recevable. Souvent réduite à une liste de recettes universelles que tout Etat se doit de respecter comme fondement de sa légalité, la gouvernance, au sens où nous l’entendons, est l’art de gouverner en articulant la gestion de la chose publique à différentes échelles de territoires, du local au mondial, l’art de réguler les relations au sein de chaque société.

L’Afrique est certes en crise de gouvernance, mais elle n’est pas la seule dans cette situation. La crise est mondiale parce qu’elle est celle du principe de l’Etat nation comme forme d’organisation des sociétés. Elle a simplement des formes spécifiques en Afrique, liées à l’histoire et à la place actuelle de ce continent dans le monde.

Le dépassement des crises actuelles de la gouvernance ne résultera pas de l’application d’un « kit » prédéfini de règles uniformes. Les Africains doivent, dans le domaine de la gouvernance comme dans celui du développement, élaborer leur vision de l’avenir et entrer en dialogue avec le reste du monde pour répondre aux défis communs.

La crise de la gouvernance prend des formes spécifiques en Afrique

Cette crise de la gouvernance mondiale prend des formes spécifiques en Afrique, en s’exprimant de manière particulière aux différentes échelles de régulation sociale et de gestion de la chose publique.

Car l’écrasante majorité de la population africaine vit dans des situations d’extrême pauvreté. Le continent africain est de plus en plus marginalisé sur la scène internationale car il représente moins de 3% dans le commerce mondial.

Plus de 48 ans après les « indépendances », les discours sur la souveraineté nationale et sur l'unité semblent devenir une rhétorique pour des Etats devenus dépendants de l'aide internationale même pour leur fonctionnement courant. Des Etats qui sont à la fois trop distants pour gérer de façon intégrée les problèmes des sociétés et trop petits et faibles pour constituer une communauté de destin et un espace d'échanges dans un monde qui se globalise. La situation du continent reste enfin marquée par le décalage toujours plus grand entre « les pays légaux » et les « pays réels ».

La crise de la gouvernance en Afrique est aussi une crise multiforme de la société qui va bien au-delà de l’Etat et concerne les relations entre les individus, les espaces domestiques (la famille) et les espaces publics, qui fragilise les uns comme les autres. Ce qui est en cause, ce sont les formes de représentation, les structures, les processus, les institutions autour desquels les sociétés africaines contemporaines décident des modalités de gestion du pouvoir, de répartition des ressources publiques, d’arbitrage entre différents intérêts individuels et de groupes.

La crise de la gouvernance appelle des réponses africaines à des défis communs

Les débats et propositions actuelles sur la place et le devenir du continent africain dans le monde insistent à la fois sur les processus de marginalisation qui résultent des modes actuels d’insertion dans l’économie mondiale et sur la nécessité d’y mettre un terme. Les propositions de rupture qui émergent de nos jours mettent l’accent sur la nécessité de promouvoir de nouveaux dispositifs partenariaux, compatibles avec l’avènement du continent africain à une position de plus grande responsabilité aux plans économique, politique et culturel.

Dans la phase actuelle de mondialisation et de globalisation économique, l'Afrique ne pourra faire entendre sa voix que si elle parvient à construire son propre projet. En effet, pour exister et compter l’Afrique devra inventer ou découvrir des modes de gouvernance appropriés et efficaces par rapport aux défis contemporains du XXIe siècle. La pertinence de ces nouveaux modes de gouvernance se mesurera par leur compatibilité avec les projets de modernité que les élites et les citoyens africains ambitionnent de promouvoir. En d’autres termes, il s’agit de formuler et faire émerger des codes de conduite, des modes de régulation et de gestion qui soient à la mesure des défis actuels des sociétés africaines : exister et compter avec des valeurs et des apports culturels propres, dans un monde globalisé.

Cette construction d'une nouvelle gouvernance africaine est-elle, pour autant, une aventure singulière à l'Afrique, entièrement déterminée par les spécificités du continent ? L'échange d'expériences et de réflexions entre régions du monde, au Nord comme au Sud, révèle qu'au travers des spécificités de chaque situation se dessinent des défis communs et qu'il est possible d'y répondre en partageant des problématiques et des modes d'action communs. Les Africains doivent se persuader que l’on ne répond pas à la pensée unique par le repli identitaire mais par l'échange et la mutualisation des expériences et des idées.

Le nouveau regard de la gouvernance légitime

Le débat actuel sur la gouvernance traduit un souci légitime, surtout de la part des Etats et de leurs partenaires, d’asseoir et de promouvoir des règles de gestion publique qui soient à la fois efficaces et soucieuses d’une utilisation appropriée des ressources engagées, mesurée par des indicateurs de bonnes pratiques.

Ce débat, fort opportun aujourd’hui en Afrique, traduit un souci légitime de gérer « en bon père de famille » des ressources nationales et internationales de plus en plus rares. Mais, le débat doit être remis à l’endroit ; la définition d’instruments de mesure et de suivi ne saurait se substituer à l’identification préalable des changements voulus par les protagonistes.

Une fois que les défis du changement d’attitudes et de pratiques sont identifiés et validés avec les intéressés, il est possible de définir des stratégies et des modalités pour les relever. Il devient alors crucial de se donner des indicateurs ou des marqueurs de progrès vers les changements voulus, et par là d’évaluer la pertinence et l’efficacité des stratégies déployées à cette fin.

Une nouvelle gouvernance en Afrique naîtra donc d’un processus de construction collective d’un système de valeurs, de structures et de mode de faire, qui trouvera sa légitimité dans sa capacité à concilier l’unité nécessaire à toute collectivité humaine et la diversité d’un monde de plus en plus complexe. La question de la légitimité est de ce fait centrale dans le débat sur la définition de principes et de nouvelles modalités (les règles du jeu) de gestion de l’espace public ; d’où le concept de la gouvernance légitime.

L’approche de la gouvernance légitime se fonde aussi sur une triple nécessité :

  1. d’abord la nécessité de relier les initiatives, les expériences et les propositions faites à différentes échelles de gouvernance (du local au mondial) et de faire le lien entre débats africains et autres espaces internationaux de débat,
  2. ensuite, celle de lier l’action à la réflexion, c'est-à-dire d’ancrer les propositions dans l’expérience concrète des acteurs,
  3. et enfin celle de partir et de satisfaire les besoins et les aspirations (matérielles et immatérielles) des populations.

Enfin, les « modes de faire » de la gouvernance légitime doivent être :

  1. consensuels : la recherche du consensus (le consentement des parties) est la règle première pour la prise de décision ;
  2. inclusifs : ne laisser aucun groupe ni individu au bord de la route ;
  3. enracinés dans l’histoire et la mémoire collective des acteurs et de leurs sociétés.

Les acteurs de la gouvernance légitime doivent être solidaires, se mettre dans l’attitude d’assumer pleinement leurs responsabilités et enfin avoir une maîtrise, donc ne pas subir les changements que l’évolution de leurs sociétés et du monde exigent.

Notes et références de l'article

Voir aussi

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